Ça a commencé vers 18h, lorsque je suis rentrée chez moi. Un scooter était garé devant la maison. J'ai dû mettre 5 interminables minutes à sortir de la voiture. Bon sang. Un scooter, déjà. Hier, je lui apprenais à faire du vélo, et aujourd'hui, il y a un scooter garé devant la maison. Va savoir pourquoi, j'ai eu un espèce de flashback digne du plus mauvais film de science fiction. Je me suis revue avec mes pôtes sur mon 103 SP rouge… Qu'est-ce que j'avais pu tanner ma mère pour l'avoir. Mais quel âge avais-je ? Sûrement pas 14 ans.
Zoé voulait organiser une soirée avec ses copains. Un pique-nique avec couchage dans des tentes plantées dans le jardin. Ils ne me dérangeraient pas. Ils apporteraient la bouffe, on n'aurait rien à faire. J'étais pas trop d'accord. J'ai toujours tendance à dire non d'abord, et au final, elle obtient casi toujours ce qu'elle veut, quitte à provoquer une énième dispute. Je connais bien la méthode, c'est moi qui l'ai inventée il y a une trentaine d'années. Son père avait dit oui, et j'avais suivi, comme d'hab.
Ils sont arrivés les uns après les autres, ils me dépassent tous de deux têtes, les filles aussi. "Bonjour Madame". J'ai 62 ans. J'en identifie 2, je n'ai pas la mémoire des visages, encore moins celle des prénoms… Je repère facilement "le" petit ami de ma fille, trop facile, merci Zoé. Il y a un autre couple dans la bande : la copine de ma fille qui était en maternelle avec elle et un grand blond. Bon sang, je viens de prendre encore 10 ans.
Alors voyons. Il y a 4 filles, 4 garçons et 3 tentes. Avec Raphaël, on se réunit en assemblée extraordinaire. "Les parents de L. sont-ils au courant qu'elle a un copain ?" Je m'imagine déjà au tribunal, le juge et son doigt accusateur : "C'est vous, vous la responsable de cet acte ! Mademoiselle L. est enceinte alors qu'elle n'a que 14 ans, et c'est de VOTRE faute !" Ce qui est bizarre, c'est que j'ai peur pour L., mais pas pour Zoé qui a toute ma confiance, c'est ma fille, comment pourrait-elle… et soudain le doute me gagne.
C'est bien Zoé qui, ce matin, alors que je recevais un agent immobilier à la maison, se promenais en maillot de bain et déambulait de façon lassive ? Je me souviens avoir tiqué puis balayé d'un revers de la main la pensée inquisitrice qui commençait à germer dans mon esprit de mère complètement tordue…
La décision est prise : pas de mixité dans les tentes. Raphaël annonce le verdict : "Zoé, on ne mélange pas les corps !" Je le regarde interloqué, qu'est-ce qu'il raconte ? Il a l'air encore plus surpris que moi. On met ça sur le compte de l'émotion. Le message est passé quoiqu'il en soit.
Plus tard, un des garçons se propose de faire le barbecue. Ma décision de ne s'occuper de rien disparaît dans un nuage de fumée, je supplie du regard Raphaël pour qu'il gère cet partie ultra dangereuse du gentil pique-nique. Manquerait plus que le futur père de famille adolescent soit brûlé au 3è degré.
La soirée se passe plutôt tranquillement, à peine quelques gloussements et autres cris stridents de filles témoignent que ma bande d'ex-tout petits passe une bonne soirée. Je dors comme un bébé jusqu'au matin.
Lorsque je descend prendre mon p'tit déj, je croise un grand spécimen dans la cuisine. Je prend mon air le plus maternel pour lui demander s'il a bien dormi, s'il veut des céréales ou un lait chaud, des tartines mais il décline mon offre en me précisant qu'un café fera très bien l'affaire vu qu'il n'a pas fermé l'œil de la nuit… Un café. Pas dormi. Et c'est quoi cette odeur de clope ?
C'est trop tôt, suis pas prête. Maman, au secours !!!
Les commentaires récents